LA CULTURE AU PLURIEL

La coalition Nationale pour la Diversité Culturelle : une menace pour les cultures africaines
Après avoir vendu nos ancêtres et nos ressources, notre Culture est aux enchères ! Le débat est animé. On parle de coalition nationale, on parle de diversité culturelle ! Nos états africains auraient maintenant besoin d’une coalition nationale pour concevoir et appliquer leur stratégie de développement culturel. Et ironie s’en suit… Nos jeunes africains, occidentalisés jusqu’à la moelle épinière, aurait aussi besoin de coalition pour consommer européens. Est-il encore concevable au vu de l’occidentalisation ascendante de nos peuples d’admettre une telle entreprise ? Les fonctionnaires de la Culture que nous avions en face, lors du point de presse de la coalition nationale pour la diversité culturelle à la maison de la culture, ce lundi 19 mai 2003, sont-ils en mesure de cerner et de comprendre les enjeux de la culture et partant de la diversité culturelle ? Parlons de diversité culturelle !!! La dynamique de diversité culturelle joue de manière à supérioriser l’occident et à inférioriser l’Afrique. Elle a pour fonction d’assurer et de légitimer les rapports sociaux de domination des états africains infériorisés par les états occidentaux supposés supérieurs, permettant à ceux-ci de faire valoir la soit-disante excellence de leur mode de vie et de l’imposer aux africains comme le seul modèle valable de l’existence. Cet ethnocentrisme occidental alimente la course-poursuite des africains pour accéder à ce mirage d’excellence en même temps qu’il maintien et recreuse sans cesse un écart distinctif et irréductible entre l’occident et l’Afrique. Aujourd’hui la production et la consommation de masse englobent la quasi-totalité des domaines de l’existence humaine, depuis les équipements de la vie quotidienne, l’habitat, l’alimentation, l’habillement, les objets d’usage courant ; jusqu’au secteur plus privé de l’hygiène, de l’esthétique, de la santé, de l’éducation, des besoins culturels, des loisirs etc. La créativité culturelle des sociétés consiste aussi à un marquage de tous ces produits issus de la production de masses extérieures à elles pour les intégrer à la logique de leur propre socio-style. Dans la société de consommation d’aujourd’hui, la dynamique de diversité culturelle correspond à la construction publicitaire des différents socio-style, qui a pour enjeux la segmentation des sociétés et leurs diversités identitaires les unes par rapport aux autres. L’ethnomarketing s’efforce d’appréhender les produits et les modes de consommation en tant que marqueur d’identité pour les individus sur la scène sociale de la consommation. Dans notre société actuelle, la communauté se définit de moins en moins par sa position dans la sphère de la production et de plus en plus par sa consommation. We are what we buy!!! Autrement dit c’est par ce que nous consommons que nous déclinons de plus en plus qui nous sommes, à quel milieu nous appartenons, quelles sont les valeurs auxquels nous sommes attachés et quel sens nous donnons à notre vie. Vue sur cet angle, la dynamique de diversité culturelle paraît universelle et neutre. Mais saurions nous nous en tenir à ce qui paraît universelle et neutre ? N’est pas dans ce qui paraît universelle et neutre que l’occident nous contraint à la reconnaissance ? N’est-ce pas là que les états africains établissent avec leur soi-disant bienfaiteur une de ces amitiés louche ou l’inégalité est hypocritement niée mais secrètement sous entendu de part et d’autre ? Parlons de la Politique et des relations internationales !!! Les croyances occidentales inavouées dans des valeurs universelles demeurent bien un prétexte pour accentuer le degré de subordination de ceux (les Africains) qui sont déjà aliénés. Les politiques des états occidentaux refusent de l’initiative aux africains ! Ils veulent que l’Afrique continue à glorifier leur histoire, ils veulent que l’Afrique reste subordonnée, qu’elle accepte d’être leur proie, qu’elle accepte l’idée de développement. Mais le développement, qu’est-ce ? N’est-ce pas une des multiples valeurs supposées universelles ? Puisqu’il se base sur des conditions idéales de l’existence sociale dans un contexte social et historique donné, le développement n’est pas seulement économique, il est indissociable du culturel, du social et du politique… Adhérer à ce modèle économique, c’est être entraîné dans une philosophie de vie donnée, qui prétend être universelle. Demander à l’Afrique d’adhérer à ce modèle c’est lui demander de communier dans la foi en la science et de révérer la technique, mais aussi c’est demander à l’Afrique de revendiquer pour son propre compte l’occidentalisation. Si les gouvernements de l’Afrique étaient libres d’appliquer leurs propres politiques fondées sur leurs propres cultures, les résultats ne seraient-ils pas différents ? Si les intellectuels africains avaient la possibilité et la liberté de formuler des propositions en dehors du moule imposé par les organisations internationales, ne seraient-ils pas imaginatifs, créateurs, réalistes et novateurs ? La force de la culture Occidentale, ici, est qu’elle paraît plurielle, prête à accueillir toutes les autres. C’est sans doute, encore une fois, le principe fondamental d’égalité propre à l’Occident qui lui donne cette apparence trompeuse. C’est selon ce principe que l’occident s’évertue à évoluer la société actuelle vers un village planétaire. Cependant, cette égalité qui paraît être ce qu’il y a de plus neutre, de plus légitime, de plus naturel, ne touche-t-elle pas à ce qui est de l’ordre de la culture et donc de l’arbitraire ? Ces principes d’égalité déclarés universels, fondamentaux et neutres culturellement permettent par exemple aux pays Occidentaux d’intervenir dans des guerres étrangères à eux, le cas de la côte d’Ivoire en constitue un exemple patent. Et dans le cas présent, ce sont ces mêmes principes qui leur permettent d’inciter, en Afrique, la création de coalitions nationales pour la diversité culturelle. Or, si les diversités culturelles sont claires car les cultures peuvent être interprétées différemment dans chaque pays, pourquoi les pays Occidentaux se permettent-ils d’intervenir dans des pays culturellement différents d’eux ? Je ne crois pas à la coalition nationale pour la diversité culturelle. C’est un autre concept que l’occident crée pour nous tenir encore plus distant et plus subordonné. L’histoire nous l’a démontré. De telles entreprises ne fonctionnent jamais des avantages à l’égard de l’Afrique. Il est difficile de nier aujourd’hui que la construction théorique du discours sur la diversité culturelle s’est montrée très utile dans l’imposition de la culture occidentale. Malgré le constat des dégâts de l’occidentalisation dans nos sociétés, la diversité culturelle est aujourd’hui présentée comme l’unique réponse que l’occident a à offrir aux pays africains. Auparavant, la seule et unique voie de salut était l’industrialisation. Autrement, c’était la mort de l’Afrique. C’est là une dynamique de comparaison qui se trouve dans le groupe qui parvient à persuader l’autre que c’est son modèle celui de l’excellence, le modèle le moins arbitraire. En conséquence de cette persuasion, si les Africains veulent être dans une situation où l’humain est le mieux accompli, il faut qu’ils évoluent vers le modèle occidental et suivent ses règles, ses rites… le modèle occidental est devenu une référence et a gagné une valorisation absolue différente de la valeur relative du modèle africain. Présentement, ce processus a abouti à la dynamique de diversité culturelle. Le groupe envahi ( l’Afrique) ne peut plus se saisir lui-même autrement que par les catégories de l’envahisseur (l’Occident). La diversité culturelle comme l’entend l’occident est bien un produit culturel car elle n’est pas innocente. Elle établit une manière de se rapporter au monde qui nous entoure. Elle est une réponse arbitraire à des besoins culturellement définis. Aussi, par exemple les normes scientifiques sont arbitraires puisqu’elles sont une définition de la nature par la culture scientifique ! On peut dire que la culture n’est pas qu’une dimension du discours sur la diversité, mais au contraire que c’est la diversité culturelle qui est une dimension de la seule culture Occidentale. La diversité culturelle, dans cette logique, est la forme dominante actuelle du projet d’occidentalisation de l’Afrique. Cette occidentalisation est bien celle à laquelle l’Afrique participe et celle que l’Afrique répand dans le cadre de la construction d’une école dans nos pays. Là, où, pire encore, l’instruction évolue sans doute vers une telle parole chez les touts petits : « regardez-moi quand je vous parle, Dessinez bien entre les lignes et respectez les contours ! . L’éducation pris dans son sens de l’instruction prend part à de nombreux projets d’occidentalisation sous le couvert du terme développement . Les fonctionnaires de la Culture, les blancs à peau noire, certaines organisations internationales et l’UNESCO qui commande au Sénégal une coalition de je ne sais quoi… et même nos états, peuvent penser qu’il n’est pas un tord d’installer une coalition nationale pour la diversité culturelle. Mais je tire sur la sonnette d’alarme. Un tel projet est quand même plus vicieux quand on comprend qu’il est facteur et outil de la domination du mode de vie occidentale. Comment pourrais-je ne pas être l’ennemi de ceux qui rétorquent face à cette situation : oui mais tu sais, c’est déjà trop tard et en plus, c’est leur volonté aussi à convaincre et à séduire pratiquement toute la planète… Parlons, précisément, de Séduction !!! La force du discours sur la diversité culturelle tient à la séduction qu’il exerce. Dans tous les sens du terme : charmer, plaire, fasciner, faire illusion, mais aussi abuser, détourner la vérité, tromper. Comment ne pas succomber à l’idée qu’il existerait une manière d’éliminer l’emprise de l’occident sur les cultures africaines ? Comment oser penser, simultanément, que le même remède pourrait aggraver le mal que l’on veut combattre ? Les pays occidentaux, modèle de tête, n’imposent plus leur Culture par la force comme à l’époque du colonialisme. Non ! Il s’agit, depuis la colonisation, d’une domination idéologique bien subtile : celle de la séduction. Elle est plus subtile car la contrainte, et la domination toujours existantes ne sont plus palpables. Suivre le modèle occidental apparaît dès lors, de l’ordre du choix, du droit à la diversité culturel alors qu’il n’en est rien. En fait, nous sommes passés d’un mode disciplinaire à un mode de consentement vicieux et trompeur au sein duquel la colonisation n’est plus nécessaire à la domination occidentale puis que le modèle occidental est accepté comme le meilleur et soutenu par les Africains à travers des entreprises analogues à cette coalition nationale. La diversité, élément culturel du modèle occidental, a donc gagné le monde par la séduction. Si nous remontons à l’époque de Rostow : il s’agissait d’abord de répandre l’idée que le progrès économique était possible pour tous, puisqu’il était le passage obligé pour atteindre des objectifs que l’on jugeait favorables : la dignité nationale, les meilleures conditions de vie, les profits privés et l’intérêt général. La société traditionnelle africaine devait en fait se développer à condition d’adopter les technologies modernes et les sciences pour obtenir un rendement maximum de chaque individu et évoluer vers le bien-être idéal, celui de l’Occident. La croissance devint fonction normale de l’économie et s’intégra au sein de toutes les institutions. En 1991, nous lisons que l’objectif global du nouvel ordre mondial serait d’améliorer le niveau du développement humain dans le monde. La nouvelle entente entre l’Occident et l’Afrique était alors devenue l’eau et la nourriture pour tous, l’accès à la planification familiale pour au moins 80% des populations. Dans cette nouvelle entente, la force séductrice du modèle occidental se situait dans les délices de son niveau de vie et au sein des mirages de sa puissance. Il est clair que les médias et la vision du donateur, par exemple dans l’aide humanitaire, ont véhiculé une idée d’un Occident prestigieux qu’on ne peut qu’envier. Par exemple l’égalité pour tous, l’évolution technique facteur d’un Produit National Brut croissant sont attrayants quand on en montre les bons côtés. Le discours du progrès misait ainsi, tout, sur un temps à venir, qui serait meilleur que le présent. Il rendait, et rend encore supportables, des moments insupportables, car il véhiculait un espoir. Mais, au lieu d’exploiter toutes ses facettes, il s’est réduit à une dérive économique en contournant les problématiques politiques, sociales et culturelles qui l’entouraient. A l’issue de cette dérive, l’industrialisation devenait le mot maître et universel qui rendait les nations plus fortes à l’image de l’Occident. L’on venait dès lors de renforcer, par ce biais, l’universalité de la vision occidentale des choses. Cette vision ethnocentrique du monde s’imposait encore un peu plus : l’utilitarisme de l’individu était désormais d’une logique implacable. Elle était accompagnée de l’obsession du plus, le système technique intègre les hommes comme rouages d’une machine totale, et finalement totalitaire, dotée d’une force irrésistible d’auto accroissement. Le phénomène du progrès est devenu irréversible en Afrique et toute tentative d’y remédier paraît prétentieuse alors que nous sommes encore victimes de la colonisation. En effet, la décolonisation est une farce, les blancs sont passés en coulisse mais ils restent les producteurs du spectacle africain. Et on me parle de diversité Culturelle !!! Disons plutôt que l’avancée fulgurante du consumérisme américain en Europe dérange les cultures toubabs. Elles sont menacées de disparition. La France veut préserver la francité, et comme dans le passé, elle fait appel au Sénégal… Allons ! Venez sauver la vie de vos frères français… disaient-ils à nos ancêtres tir-ailleurs… allons ! Venez sauver vos cultures dans une coalition pour la diversité culturelle… nous disent-ils… Que c’est malin ! Mais à malin, malin et demi… Cette coalition n’a pas pour fonction de défendre nos cultures. Elle les menace. Elle installe le droit naturel au consumérisme européen et des règles qui le défendent. La France perdra certainement un marché sur son territoire car les Français consomment américain mais elle en retrouvera incontestablement un autre dans ses colonies car nous défendons institutionnellement la diversité culturelle et le caractère naturel du consommer français… Qu’adviendra-t-ils à nos cultures nationales, à nos économies locales et à nos nations ? Ne devons nous pas songer à une coalition pour la diversité culturelle nationale et sous régionale d’abord, penser ensuite à maîtriser les diversités culturelles des Afriques pour qu’enfin l’intégration politico-économique africaine soit ? Je ne pense pas que ceux qui, hier, nous ont traités de barbare et de sauvage, ceux qui nous ont largué dans la nature, hors de la culture, ceux qui nous ont imposé leur culture, qui nous ont menti, nous ont volé, nous ont exploité… Je ne pense pas que ceux là nous invite à la diversité et à la relativisation culturelle, et que cela soit dans nos intérêts. La coalition nationale pour la diversité culturelle constitue une menace pour nos cultures nationales et africaines.
Pierre Hamet BA

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